Sélectionner une page

VIOLON BAROQUE

La Passacaille en sol mineur de Heinrich Ignaz Franz Biber est la pièce finale d’un cycle de quinze sonates pour violon dédié aux mystères du Rosaire. Le manuscrit en a été finalisé sans doute à la fin des années 1670. Biber est le représentant d’une première école de violon dans l’ère germanique au XVIIe siècle, et cette œuvre marque un tournant dans une littérature pour violon qui a encore une histoire assez récente. La passacaille pour violon seul en particulier manifeste une utilisation remarquable des possibilités harmoniques de l’instrument. Originellement, la passacaille est une danse lente à trois temps. Elle est utilisée par les compositeurs comme la base d’une pièce à variations construite sur un ostinato, ici les quatre notes : sol, fa, mi-bémol, ré. Ce type de composition laisse entrevoir le génie improvisateur de Biber en tant que violoniste. La pièce est dédiée à l’ange gardien, et ce n’est sans doute pas un hasard si la fête de l’ange gardien a précisément été instituée en 1677 par le Pape Clément IX. L’expressivité rhétorique de la musique de Biber en général permet de penser que l’ostinato évoque la présence constante de l’ange auprès du croyant sur lequel il veille quels que soient les aléas de l’existence.

Les fantaisies de Telemann, 12 Fantasie per il Violino senza Basso, sont datées de 1735. Dans l’incroyable fécondité de son œuvre comprenant environ 6000 titres, le maître de chapelle de Hambourg manifeste un intérêt pour les compositions pour un instrument soliste sans basse, puisqu’il a aussi composé douze fantaisies pour flûte seule, et douze fantaisies pour viole de gambe, malheureusement perdues. Son style est l’expression d’un « goût mélangé », alliant les influences italiennes et allemandes, les langages mélodiques et harmoniques, l’esprit français et le contrepoint en stile antiquo, l’expressivité vocale et les danses populaires. Cette diversité d’influence est harmonieusement synthétisée dans un style personnel à la fois subtil et sans complication. Les fantaisies pour violon seul manifestent enfin une excellente connaissance et exploitation des possibilités d’un instrument que Telemann a lui-même joué.

Les sonate piccole de Tartini constituent un recueil de sonates de taille modeste dont l’auteur a affirmé lui-même dans deux lettres datées de 1749 et 1750 qu’il les jouait sans accompagnement, bien que la basse soit présente sur le manuscrit par pure « convenance ». Le violoniste originaire de Pirano en Istrie (actuellement en Slovénie) consacra beaucoup d’énergie à l’exposition et à la défense d’un système théorique de la musique basé sur le retour à la Nature dont dépend une musique qui reflète l’ordre mathématique du monde. Il est aussi célèbre pour son travail sur la conduite de l’archet, l’arte del arco, et pour son traité sur l’ornementation et les cadences, le Traité des agréments de la musique, traduit en français en 1770. Le manuscrit des sonate piccole comporte, outre la partition musicale, des références à des œuvres poétiques de Metastase et à la célèbre conzone del Tasso. De fait, la vocalité est le modèle de son écriture pour le violon, et une de ses maximes deviendra célèbre : Per ben suonare, bisogna ben cantare, « pour bien jouer, il faut bien chanter ». Mêlant inspiration populaire et art de l’improvisation, ces sonates dévoilent un style poétique qui magnifie les sentiments humains non pas tant comme une expression subjective de soi, que comme des expériences universelles.

Le monastère de Martigné-Briand se situe dans le Maine et Loire. Une communauté de sœurs bénédictines de la congrégation de Sainte Bathilde y mène une vie tournée vers la recherche de Dieu et l’approfondissement de la paix intérieure, rythmée la célébration de l’office monastique, l’accueil des hôtes et le travail artisanal.

Sœur Claire Cachia est entrée au monastère de Martigné-Briand en 2001, après avoir mené à bien des études de violon baroque à la schola cantorum de Bâle dans la classe de Chiara Banchini. Depuis elle cultive la musique au sein de la communauté, au milieu d’autres activités, comme la fabrication de confitures et de céramique, le jardinage et la théologie.